Le facteur humain dans le secteur ferroviaire

Le facteur humain dans le secteur ferroviaire


L'analyse des risques liés à l'exploitation ferroviaire s'est historiquement concentrée sur l'étude des aspects techniques, mais ces dernières années, le facteur humain a été de plus en plus pris en compte dans ces analyses.

Cette évolution est favorisée par le nouveau cadre législatif sur la sécurité ferroviaire, et les méthodes de sécurité communes, et introduit l'obligation de les prendre en compte et d'intégrer le traitement des facteurs humains dans les systèmes de gestion de la sécurité tant des gestionnaires d'infrastructure que des entreprises ferroviaires.

Directive (UE) 2016/798

Par ses processus, le système de gestion de la sécurité doit garantir que les capacités et les limites humaines ainsi que les influences sur les performances humaines sont prises en compte par l'application des connaissances sur les facteurs humains et l'utilisation de méthodes reconnues.

Cette exigence a été étendue et développée dans le Règlement délégué 2018/762sur les exigences du système de gestion de la sécurité :

"Le comportement humain joue un rôle central dans l'exploitation sûre et efficace des chemins de fer. Il est donc essentiel que les entreprises ferroviaires et les gestionnaires d'infrastructure adoptent une approche systématique pour soutenir les performances humaines et gérer les facteurs humains et organisationnels dans le cadre du système de gestion de la sécurité".

À cette fin, le règlement comprend, entre autres, les exigences suivantes axées sur leur traitement :

" 3.1.1.1 L'organisme doit être responsable de :

  • DIdentifier et analyser tous les risques opérationnels, organisationnels et techniques significatifs pour le type, la portée et la couverture de ses propres opérations, y compris les risques découlant de facteurs humains et organisationnels, tels que la charge de travail, les caractéristiques du poste, la fatigue, l'adéquation des procédures et les activités d'autres parties prenantes (voir 1. Contexte organisationnel) ;
  • L'organisme doit présenter une approche systématique afin d'intégrer les facteurs humains et organisationnels dans le système de gestion de la sécurité. Cette approche :
  • Elle comprendra l'élaboration d'une stratégie et l'utilisation d'une expertise et de méthodes reconnues dans le domaine des facteurs humains et organisationnels ;
  • traiter les risques associés à la conception et à l'utilisation des équipements, des tâches, des conditions de travail et des dispositions organisationnelles, en tenant compte à la fois des capacités et des limites de l'homme, ainsi que des éléments qui influencent sa performance".

Grâce à ces exigences réglementaires, les entreprises du secteur ferroviaire sont poussées à prendre de plus en plus en compte les facteurs humains et à les intégrer dans leurs systèmes de gestion de la sécurité.

Dans d'autres secteurs, comme l'aéronautique ou le nucléaire, l'intégration des facteurs humains dans les systèmes de gestion de la sécurité et l'analyse des risques est traitée depuis de nombreuses années et, par conséquent, l'état d'avancement de leur intégration et de leur expérience constitue une source de connaissances très importante à prendre en compte. Ainsi, des aspects à améliorer ressortent, comme le traitement des facteurs humains dans la maintenance ferroviaire.

Règlement 2019/779

Le site règlement réglemente les exigences des entités chargées de la maintenance du matériel roulant ferroviaire, mais ne mentionne toujours pas l'intégration des facteurs humains et organisationnels dans le système de gestion de la maintenance (SGM), ce qui contraste avec des cas comme la maintenance aéronautique, où les facteurs humains ont été introduits depuis la fin des années 1980.

L'étude des facteurs humains s'est développée sur la base d'événements et d'accidents dont la cause a été attribuée à une erreur humaine (dans le secteur ferroviaire national, on peut citer des accidents comme celui du métro de Valence en 2006 ou celui de Santiago en 2013).

Avec l'important développement technique de ces dernières années, les équipements sont devenus de plus en plus fiables et complexes. Par conséquent, de nos jours, la majorité des accidents ne sont plus causés par des défaillances techniques, mais par des erreurs humaines.

C'est pourquoi le grand cheval de bataille aujourd'hui est d'analyser et de prévenir ces défaillances humaines afin d'améliorer la sécurité globale du système ferroviaire.

Si l'on regarde le dernier rapport annuel publié par la Commission européenne, on s'aperçoit qu'il n'y a pas d'autre solution. CIAF (Comisión de Investigación de Accidentes Ferroviarios) concernant les accidents et incidents ayant fait l'objet d'une enquête en 2021, lorsque la cause de l'événement était imputable au système ferroviaire, la cause directe ayant la plus forte incidence était attribuée au facteur humain (présent dans 75% des événements) et les 25% restants étaient attribués à des défaillances des installations.

Il est clair qu'il est très important de prendre en compte les facteurs humains lors de l'analyse des risques potentiels et de la conception des processus et procédures opérationnels.

Il ne suffit pas de conclure qu'un accident a été causé par une erreur humaine, mais il est nécessaire d'étudier l'erreur et d'analyser pourquoi elle s'est produite et les causes qui y ont conduit, afin de la comprendre et d'agir pour qu'elle ne se reproduise pas.

Afin de progresser sur ce point au niveau national, le règlement 929/2020 sur la sécurité opérationnelle et l'interopérabilité des chemins de fer inclut les facteurs humains dans la classification des événements et des causes directes.

De même, au niveau européen, le règlement (UE) 2020/572 relatif à la structure de rapport pour les rapports d'enquête sur les accidents et incidents ferroviaires a été publié en 2020, ce qui donne une grande importance à l'étude des facteurs humains.

Les erreurs humaines ne peuvent pas toujours être évitées, mais il est très important de les identifier, de les étudier et de mettre en place des mesures pour éviter qu'elles ne se reproduisent. L'être humain est une source d'erreurs, mais aussi de fiabilité et de capacité à réagir aux problèmes potentiels.

Par conséquent, de la même manière que l'on travaille sur le développement technologique et l'étude de la fiabilité des composants, il faut progresser dans le développement de la fiabilité humaine pour minimiser l'occurrence des erreurs causées par les êtres humains.

Techniques pour définir une méthodologie d'étude

  • THERP (Technique de prédiction du taux d'erreur humaine) : Les tâches sont décomposées en activités élémentaires et leur séquence est visualisée dans un arbre d'événements, ainsi que leurs déviations possibles sous forme d'erreur d'omission ou de commission de l'opérateur. L'événement de base représentant l'erreur humaine peut être représenté comme un sous-ensemble de nœuds dans l'arbre, de sorte que sa probabilité peut être calculée en multipliant les probabilités le long de l'arbre. Il est largement utilisé pour les données de fiabilité humaine dans les études d'évaluation de la probabilité du risque (Swain et Guttman en 1983).
  • SHERPA (Systematic Human Error Reduction and Prediction Approach) : Elle est basée sur l'analyse fonctionnelle du comportement humain ; elle vise à évaluer qualitativement et quantitativement la fiabilité humaine et à élaborer des recommandations concrètes pour réduire la probabilité d'erreur humaine, notamment en ce qui concerne les procédures, la formation du personnel et la conception des équipements (Embrey, 1986).
  • HEART (Human Error Assessment and Reduction Technique). Il s'agit d'une technique permettant d'obtenir des probabilités d'erreur humaine en faisant correspondre la tâche évaluée à l'une des neuf descriptions de tâches génériques d'une base de données, puis en modifiant les probabilités d'erreur humaine en fonction de la présence des conditions d'erreur identifiées (Williams, 1988).
  • Human Hazop : Il s'agit d'un brainstorming structuré auquel participent des experts de différents domaines (exploitation, planification de projet, gestion des risques, experts en facteurs humains, etc.) Des mots-clés sont utilisés et les réunions sont structurées dans le but d'identifier les menaces dues à l'erreur humaine.
  • Modèle SHELL : Ce modèle ne prend pas seulement en compte les différents composants de manière isolée, mais accorde une attention particulière aux interfaces de l'élément humain avec les différents éléments du système.
  • GEMS (Generic Error Modelling System) : Le modèle GEMS fait la distinction entre les erreurs en tant que telles commises sans intention, et les infractions où l'opérateur est conscient que ses actions s'écartent de la norme.

Conclusion

Dans le secteur ferroviaire, les facteurs humains et organisationnels ont traditionnellement été pris en compte uniquement dans les domaines de la conduite et de la gestion du trafic.

Cependant, il est important d'analyser les risques liés au facteur humain aux différents niveaux de l'organisation et aux différents profils ayant des responsabilités qui affectent la sécurité.

Dans ce sens, les connaissances du personnel impliqué et dirigeant dans l'opération quotidienne doivent être étudiées en relation avec l'intégration du facteur humain.

De même, l'impact de ces concepts sur les comportements du personnel et la volonté d'apprendre et de modifier certains comportements qui ne sont peut-être pas appropriés.

Pour y parvenir, il est d'une importance capitale de conduire et de promouvoir ces analyses, et les changements découlant de leurs résultats, depuis la direction générale des entreprises. À cette fin, la formation aux facteurs humains à tous les niveaux de l'entreprise est indispensable.

Il ressort clairement de ce qui précède qu'il reste beaucoup à faire dans le secteur ferroviaire pour garantir que les facteurs humains sont correctement intégrés et pris en compte dans l'analyse des risques, les enquêtes sur les accidents et les processus organisationnels et opérationnels des entreprises ferroviaires.

Cela est illustré par le fait que la méthode de sécurité commune (règlement (UE) n° 402/2013 relatif à l'adoption d'une méthode de sécurité commune pour l'évaluation et l'appréciation des risques) est rarement appliquée à la gestion des risques liés aux changements organisationnels et, dans les rares cas où elle est effectivement appliquée, il est rare que ces changements soient considérés comme importants.

De même, si l'on analyse la majorité des dossiers de changement technique ou opérationnel, on constate que les risques liés aux facteurs humains sont rarement identifiés, évalués et gérés.

La formation à l'application de ce règlement et plus particulièrement à l'intégration dans l'analyse et la gestion des risques découlant des facteurs humains revêt une grande importance.

À cette fin, Exceltic propose cours La formation sur mesure sur l'analyse des risques et la mise en œuvre du règlement (UE) n° 402/2013, qui fournit une introduction au cadre juridique et réglementaire et oriente la nécessité d'établir une méthodologie pour effectuer une gestion des risques adéquate et complète, qui tient compte à la fois des facteurs techniques, opérationnels et humains.


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